L'Edito du mois

Entreprises et accueil des migrants : Et si on se parlait un peu plus…

  • Publié le : 17/11/2022
  • Source : Romain DE TELLIER
  • Crédits photos : Romain DE TELLIER

Depuis que nos entreprises, dans tous les domaines d’activité, peinent à recruter et à former, les dirigeants s’engagent dans de nouvelles directions. Une fois les leviers traditionnels épuisés (intérim, cabinet de recrutement, réseaux sociaux…), de plus en plus de partenariats émergent avec :
-    Pôle Emploi pour créer de nouvelles formations et attirer les chômeurs de longue durée,
-    Les collectivités pour intégrer les jeunes issus de quartiers en difficulté, 
-    Des associations pour se rapprocher du vivier de talents que sont les personnes en situation de handicap.

 L’engagement personnel du dirigeant oriente naturellement ses recherches vers telle ou telle solution. Il existe d’autres candidats au parcours atypique que l’on peut accueillir dans nos entreprises : les personnes migrantes. De nombreuses personnes étrangères vivant en France sont désireuses de trouver un emploi et prêtes à contribuer à créer de la richesse… mais rien n’est simple.

En lien avec les autres syndicats patronaux, j’ai pu me rapprocher cette année de la Préfecture et des associations iséroises d’accompagnement des migrants (3aMiE, CIMADE, Diaconat Protestant, Secours Catholique, APARDAP…). Participer aux échanges entre l’Etat et le milieu associatif m’a permis de mieux appréhender les enjeux des parties prenantes : les associations, les services préfectoraux concernés, les centres de formation, les entreprises et leurs syndicats et les personnes étrangères perdues au milieu de tout cela. Dans cet écosystème cohabitent beaucoup d’aprioris, de la méfiance réciproque mais aussi beaucoup d’énergie et la volonté d’avancer ensemble. Il a fallu quelques heures pour détricoter des schémas caricaturaux et comprendre que la naïveté n’a pas sa place dans le débat. 

Les difficultés et les défis sont bien réels. 

D’abord sur le recrutement : que vérifier et où chercher l’information, quels formulaires remplir, migrant, réfugié, permis de séjour, quelles différences ? Difficile de s’y retrouver. Les entreprises découvrent également une réalité absurde : faire les choses dans les règles avec promesse d’embauche pour obtenir un droit au travail est plus complexe que faire travailler une personne en la déclarant à l’URSSAF et demander ensuite sa régularisation… avec tous les risques que cela comporte. Sans parler du combat administratif imposé aux personnes et de l’incompréhension que cela génère d’être trimbalé d’un service à l’autre…

Puis sur l’intégration : différences culturelles parfois très marquées, langue française plus ou moins maitrisée, déficit de scolarisation dans leur pays… De sacrés freins à l’embauche ! Il faut beaucoup de pédagogie et de communication de la part des managers pour que la mayonnaise prenne dans les équipes.

Pour autant, on observe des signaux très encourageants. Dans les centres de formation professionnelle, les équipes témoignent du savoir-être exemplaire de nombreux jeunes migrants qui « tirent les classes vers le haut et font du bien aux autres élèves ».  Les entreprises découvrent aussi les talents de ces jeunes grâce à l’apprentissage. Malheureusement, elles font face au grand paradoxe qui oblige les jeunes au moment de la majorité ou de l’obtention du diplôme à rentrer dans leur pays, malgré ces années d’investissement des entreprises et de l’Etat dans leur formation. 

Le dialogue, installé au niveau local à l’initiative des associations, a pour objectif de sortir de ces situations ubuesques et d’améliorer la collaboration entre toutes les parties prenantes. Nous voyons qu’une autre voie est possible, qui redonnera de la dignité et remettra de l’humanité dans ces situations. 

Peut-être que le projet de loi « immigration », prévu pour début 2023, avec la proposition de créer un titre de séjour « métiers en tension » permettra de faciliter les choses. Nous pourrons alors compter sur la dynamique engagée entre les services de l’Etat, les associations et les syndicats pour accompagner les entreprises dans leurs démarches, et continuer à créer de la richesse.

Sans naïveté, sans dogmatisme et avec pragmatisme. 

Romain DE TELLIER
Président de ARC INDUSTRIES GROUP
Membre du COMEX du MEDEF Isère