L'Edito du mois

Politiques monétaires accommodantes : un remède addictif !

  • Publié le : 20/03/2019
  • Source : CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES
  • Crédits photos : CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES

Grâce à sa politique non conventionnelle (Quantitative easing), la Banque Centrale Européenne a réussi à stabiliser, puis relancer les économies de la zone euro menacées de faillite après 2008, en injectant sur les marchés près de 2.600 milliards d'euros en quatre ans soit approximativement l’équivalent du PIB de la France. On ne peut que louer leur efficacité, mais le risque inhérent à de telles stratégies réside dans la grande difficulté d’en sortir. La preuve encore une fois en ce début d’année puisque, prenant acte du ralentissement économique mondial et du malaise persistant des banques italiennes, la BCE a décidé de différer le début de normalisation monétaire pourtant tant attendu.

 

L'institut monétaire européen a en effet annoncé, début mars, le lancement d’un nouveau programme de prêts à très long terme destiné aux banques, le fameux TLTRO avec l’objectif affiché de préserver « des conditions de prêts bancaires favorables ». Les liquidités et les crédits vont donc continuer à être très abondants en Europe. Mais est-ce une si bonne nouvelle ?

 

Tout d’abord pour les banques : les bons résultats 2018 annoncés cachent en fait un effritement durable de leur rentabilité lié à la persistance de taux bas qu’elles cherchent à réduire depuis plusieurs années en développant des offres de services générant des commissions. Mais cette diversification des revenus, associée aux réductions de charges et restructurations, ne suffit plus. L’annonce des conditions de refinancement TLTRO ne fait office, tout au mieux, que de bouffée d’oxygène. D’ailleurs les marchés ne s’y trompent pas. A l’annonce du programme, laissant penser que les taux resteraient encore durablement bas, le cours des actions bancaires s’est sévèrement dégradé.  D’autant que la BCE donne d’une main (conditions du TLTRO), ce qu’elle reprend de l’autre en « taxant » les liquidités excédentaires des banques au taux négatif (-0,40 %).

 

Quant au crédit aux entreprises a-t-il vraiment besoin d’être relancé ? N’a-t-il pas déjà atteint des sommets avec un endettement des entreprises françaises qui dépasse 4.000 milliards d'euros, soit 175 % du PIB (nous n’étions qu’à 135 % il y a 10 ans, lorsqu’a éclaté la crise financière). Ce niveau d'endettement préoccupe d’ailleurs la Banque de France, qui avertissait en décembre, de risques de défaut pouvant s'accroître au cours des prochains mois même si les entreprises françaises ont encore un matelas de liquidité suffisant pour faire face à leurs échéances.

 

Il est évident que des taux bas sont indispensables au dynamisme de notre économie et « accessoirement » à limiter la charge de la dette dans le budget des Etats (une hausse de 1% couterait 23 milliards d’€ au budget français). Mais avec un taux moyen des prêts accordés aux entreprises de 1,56 % en 2018, son plus bas historique, qu’a-t-on vraiment à attendre d’une pression nouvelle à la baisse et d’un excès de liquidité ? Assurément rien de bon : des investissements moins sélectifs, une survalorisation des opérations de croissances externes, une augmentation des risques de défaillance et surtout une incapacité de la BCE a se recréer de nouvelles marges de manœuvre en cas de réelle nécessité.

 

Pour l'instant les risques sont réduits, mais pour combien de temps…N’oublions pas que la gestion des effets de court terme d’une crise financière contient souvent en germes les conditions d’émergence des crises futures.

 

Rodolphe FERRIER

Président de la Fédération Bancaire Française Isère